Le soleil n’a pas encore pointé son premier rayon que le bus en est déjà à sa seconde fournée de randonneurs déposés. 6h du matin. Lampe frontale en position. Sac à dos remplit d’eau et de provisions pour la journée. Le temps du départ a sonné. Dans cette nuit bleutée, une fine brume s’enroule autour du sentier de graviers. A droite, à gauche : rien. Quelques herbes humide de la rosée matinale nichent sous les pierres gris métal. On ne sait d’où l’on vient ni encore vers où l’on va.

Les kilomètres défilent aisément au fil de cette première heure de marche. Peu à peu, les rayons du soleil traversent, avec peine, le brouillard. Le paysage, quasi lunaire, n’est que roche d’un noir d’ébène. Le sentier sinueux se transforme en passerelle. Ici l’eau ruisselle. On l’entend plus qu’on ne la voit. Puis, le souffle court – tant par l’effort donné lors de ces raides escaliers que par la vue qui se dégage enfin – l’immensité de la vallée s’offre au regard.

En zigzag, les marches se succèdent à flanc de montagne. Puis ces constructions de bois apportées par l’Homme laissent place au sable grisonnant, aussi fin que glissant. Comme dérangée par ces intrus randonneurs, la nature semble tout mettre en œuvre pour les faire reculer ou fuir. Le vent souffle à perdre haleine. Les nuages, épais, envahissent le moindre recoin de terre. L’ascension se tempère un temps. Bienvenu sur Mars. Dans cette purée de pois, on ne distingue rien à plus de dix mètre. Ocre, brune, chaude, la terre semble émettre sa propre lumière. Une chaleur venue des entrailles de la montagne.

Dans la tempête, il faut gravir les derniers kilomètres conduisant à la cime. Ca souffle. Ca glisse. De chaque côté il n’y que du vide. Des cratères abyssaux. Puis, enfin, après un dernier effort le pic est atteint. Comme en guise de récompense la nature s’apaise et la paysage se transforme. Peu à peu, la brume se lève offrant un panorama époustouflant dont les couleurs éclatent sous les rayons du soleil. Du rouge flamboyant au cœur du cratère volcanique. Un bleu profond dans ce lac perché dans la montagne. Un émeraude doré émerge de multiples piscines où viennent se dissoudre les souffles grisés des vapeurs de souffre. L’ocre jaune remplit quant-à lui l’immensité de cette plaine volcanique. Au sol, les roches gorgées de chaleur contrastent avec l’air frais de cette matinée d’été en altitude.

De part et d’autres, le paysage est saisissant. A l’ouest, le Mont Ngaruhoe s’élève, au sud c’est le fameux Mordor, le mont Ruapehu, si spectaculaire dans le Seigneur des Anneaux qui s’observe. Au sud ce n’est qu’anciennes coulées de laves, sources chaudes et cratères devenus piscines.

Malheureusement, il faut quitter cet univers splendide pour entamer la longue descente. Dès les premiers virages le lac Taupo dans toute son immensité se découvre. Une flaque bleu au cœur des montagnes. Puis vient la vallée cultivée, baignée de lumière. La vue rend le retour, en pente raide sur plus de 7km sans une once d’ombre, moins pénible. Et soudain : le bush ! Des arbres, des fougères, des lianes et une rivières qui vogue avec force et bruit. Un nouveau changement radical d’atmosphère qui s’opère au cours de cette journée pleine de surprise.

Le Parc National de Tongariro est un lieu incroyable et la Tongariro Alpine Crossing compte parmi les randonnées les plus spectaculaires de Nouvelle-Zélande. Un flot de randonneur (un peu trop d’ailleurs) y accourt chaque jour, tous admiratifs. 19km, 10heures d’une longue marche agréablement récompensés par la beauté du paysage. Nul doute, le soir, c’est les jambes en compote mais la tête pleine de souvenirs impérissables que les valeureux randonneurs s’endormiront.

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