A la pointe Nord de l’Ile du sud, la terre s’avance telle une main prête à plonger dans l’eau. Les doigts de terre s’élèvent face à des océans de bleus. Turquoise, azur, marine… les tons varient avec les nuages, les rayons du soleil comme avec les reflets des arbres aux verts chatoyants. Plus loin, quelques îles vallonnées, telles des dos de chameaux assoupis qui flottent au large.
De part et d’autre de cette fine terre, composée d’une dense forêt, il y a la mer. Une seule route s’aventure jusqu’à l’une de ses extrémités où patiente paisiblement un hameau : French Pass. Mais quelle route !
Craintifs en voiture s’abstenir : ici point de lignes droites, de larges doubles voies, ni même de revêtement régulier. La longue traversée de cette partie des Marlborough Sounds s’avère bien chaotique entre bosses, virages incessants et brouillard pénétrant. Si la première heure n’offre que peu de points de vue sur le paysage – le chemin étant au cœur d’une abondance de végétation – la suite compte bien en mettre plein les yeux.
Soudains les hauts sapins et autres arbres feuillus disparaissent totalement, laissant place à de vastes vallons de prairies jaunies par le soleil et les embruns. À flanc de montagne, la route devient vertigineuse : d’un côté la colline grimpe jusqu’au ciel dont le brouillard cache le bleu, de l’autre elle dégringole en pente raide jusqu’à plonger dans la mer. En contrebas, les plages idylliques paraissent accessibles qu’au bateau. Le cœur palpite, le lieu est aussi effrayant que merveilleux. La terre et les graviers ont désormais remplacé le goudron sur la route ; les moutons supplantent les piétons, traversant selon leur bon vouloir pour grignoter quelques herbes.
Et enfin, le « bout du monde » : French Pass. La végétation emplit de nouveau la vallée où les quelques maisons de pêcheur semblent avoir creusé leur trou dans cet océan d’émeraude. La marée remonte doucement sur la plage accompagnée par la danse des raies frôlant le sable et les vagues. Agrippées, presque fossilisées, au ponton de bois, les moules noires luisent d’humidité salée. L’eau recouvre doucement les rochers aux tons ocre variés. Que de couleurs ! éblouissantes tant au soleil que sous la grisaille.