Moteur, action et … ça roule ! Le van s’élance sur les routes néo-zélandaises pour parcourir les kilomètres du jour. Une chose est sûre, lors d’un road-trip – comme son nom l’indique bien- il y en a des bornes parcourues. Mais y’a-t-il meilleur moyen de découvrir un pays ? De ville en ville, de rivières en bord de mer, d’une montagne à l’autre, chaque trajet révèle une nouvelle histoire, dévoilant peu à peu le visage de cette nation.

Dans l’air froid d’un premier matin, le van s’élance sur les « highway » néo-zélandaises. Peu à peu la grande ville se fait toute petite et les maisons entourées de leur jardin carré se suivent. Des centaines d’habitations semblables les unes aux autres se succèdent et soudain… plus rien. De vastes plaines vallonnées envahissent le paysage. Les voies sont larges, doubles de chaque côté permettant de rouler à 100km/h. Un semblant d’autoroute, gratuite. Seules deux portions de route du pays sont payantes, l’une pour entrer dans la ville de Tauranga, l’autre pour emprunter le tunnel sous Auckland. Mais au vu de l’état général de la voirie, on serait presque tenté de donner une petite pièce aux travailleurs en tenue orange. Ah ceux-là, impossible de ne pas les croiser au moins une fois par jour, que l’on traverse le pays de part en part ou que l’on se rende simplement dans le hameau voisin. Ils sont partout !

Après l’allée de cônes orange et blanc, un travailleur en tenue fluorescente fait office de stop. Le panneau dans la main, il donne le feu vert aux véhicules sans manquer de saluer chacun des passagers. À l’autre bout des travaux, c’est la même histoire. On finit vite par les trouver sympathiques, ces bons hommes oranges, souriant malgré le froid d’hiver ou les fortes chaleurs estivales offrant un signe de main ou un sourire. Que font-ils ? Ils réparent… à leur façon. Et que ça met des patchs de goudron, quelques pelletées de graviers supplémentaires pour combler les trous… Des soins qui seront détruits par les passages comme les intempéries quelques années, voir quelques mois plus tard seulement. S’il y a plus de mouton que d’habitants, il y a aussi plus de routes que de salariés dédiés à la voirie dans ce pays soumis à des conditions météo très variables. Pas le temps, ni même l’argent de faire les choses « bien », alors ils font, défont et refont sans cesse.

Mais le stop passe au vert, ni une, ni deux, poursuivons notre route au cœur de la nature. Les larges voies du départ ont disparu depuis bien longtemps. Tout autour, le bush natif submerge le van, aussi haut que dense. Au milieu de tout ce vert, l’étroite route serpente et sursaute dangereusement. Elle s’achève brutalement – sans place pour un éventuel piéton- sur les bas-côtés, ne laissant guère de place pour croiser un camion. Dans l’ombre et l’humidité ambiante, la mousse s’installe parfois même jusque sur le goudron qui révèle une teinte verdâtre et fluorescente. Et soudain … changement de décor. La forêt a été ratiboisée depuis bien des années pour offrir de vastes enclos aux vaches et aux moutons. Les barrières de bois parcourent des kilomètres depuis le long des routes jusqu’aux sommets des collines pour laisser vagabonder les animaux – presque – librement.

Surgissant de toute part, les rivières, cascades et torrents gorgés des nombreuses pluies ne se préoccupent guère de la présence de l’Homme dans leur but de rejoindre la mer et l’océan. Attention, voie rétrécie, indiquent les panneaux tandis que « One Bridge Lane » s’inscrit sur le sol de plus en plus étroit. Que le pont soit court ou long, traverse un filet d’eau ou un large fleuve, c’est la même histoire : on s’arrête, on observe et on passe chacun son tour ! Eh oui, plus grand, c’est plus cher, disent-ils ici !

Dans ce pays, même les routes révèlent le mélange entre la nouveauté, venue avec la colonisation, et les pratiques ancestrales. Dans les plaines et les petites villes modernes, les voies sont tracées comme à la règle et des lignes droites de centaines de kilomètres endormiraient les plus vaillants des pilotes. En revanche, lorsqu’on pénètre dans les coins reculés où les M ( ??) se succèdent, comme dans le no man’s land de Gisborne où vivent encore les irréductibles tribus maories, même la voirie semble ancestrale. On s’attend presque à y croiser des calèches tirées par les chevaux ! D’ailleurs, les chevaux, comme les vaches, les chèvres ou encore les moutons peuvent traverser à tout moment dans ces zones perdues ou grignoter les herbes sur le bas-côté en toute tranquillité. Du goudron ? N’y pensez même pas ! Ici on parle de Gravel road (ou de metal road) pour qualifier ces voies non revêtues. Parfois en terre – rendue boueux par les pluies –  en fin sable ou gros gravier, elles apportent un peu de piquant aux longs trajets et peuvent survenir à tout moment. Là, on comprend mieux pourquoi la majorité des Néo-Zélandais possèdent un 4×4… Parfois il suffit de quitter une voie principale pour se retrouver dans les volutes de poussière afin de rejoindre une plage, un point de vue, une cascade ou même… sa famille d’accueil du moment.

Comme une tortue portant toute sa maison sur son dos, le van se traîne et souffle dans les montées. Et même les camions espèrent le doubler. Heureusement, le pays a pensé à tout. Dans chaque montée, des voies pour les véhicules lents apparaissent, permettant de se rabattre – sur la gauche – pour se faire doubler en toute sécurité – par la droite bien sûr. Car s’il y a bien une chose à laquelle pensent les Néo-Zélandais, c’est à la sécurité des usagers sur la route. Si toutes les voies permettent de rouler à 100, des gravel road sinueuses aux larges doubles voies longilignes, les panneaux ne manquent pas de guider et de conseiller : un virage à 35, un autre à 65 puis quelques-uns à 40, il n’y a plus qu’à suivre le guide ! Attention virages, chutes de pierre, traversée d’animaux sauvage et même traversée de personnes âgées (oui, oui !). Ralentissez, zone de passage de kiwis ou de pingouins. Arrêtez-vous il y a un point de vue, une galerie d’art ou une cascade. Pas besoin de GPS, il suffit d’ouvrir les yeux et se laisser guider. Surtout qu’ici il n’y a pas 36 chemins pour se rendre à destination (l’esprit pratique, efficace et pas cher, jusqu’au bout des doigts !).

Les lueurs du coucher de soleil rosissent le ciel. Il est temps de poser la maison roulante dans l’un des nombreux campings gratuits mis à disposition par ce pays ouvert aux nouvelles têtes venues des quatre coins du monde. Serrés les uns contre les autres comme pour se tenir chaud, les vans ferment peu à peu leurs rideaux pour s’endormir sous les milliers d’étoiles et reprendre des forces et attaquer de nouvelles aventures dès le lendemain.

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